Mesures transfrontalières
Une pandémie ne connaît pas de frontières. Son contrôle exige une collaboration internationale et une démarche coordonnée de part et d’autre des frontières nationales. Lors d’une pandémie, les mesures concernant le transport international de voyageurs jouent un rôle décisif pour contrôler la propagation de l’agent pathogène et améliorer la sécurité à l’échelle mondiale.
Objectifs
Les mesures concernant le transport international de voyageurs ont pour objectif de prévenir l’introduction et la propagation d’agents pathogènes pandémiques par des voyageurs infectés. La démarche consiste à identifier des événements, à les évaluer et à faire face aux risques pour la santé publique en prenant des mesures appropriées. Le but est aussi de sensibiliser les voyageurs à la situation exceptionnelle qui prévaut, les inciter à prendre certaines précautions et à respecter des règles de conduite. La communication doit respecter autant que possible les particularités culturelles et linguistiques des voyageurs.
Les mesures permettant d’empêcher l’introduction d’un nouvel agent pathogène infectieux dans la population animale par des animaux ou des produits animaux importés ou exportés ne sont pas traitées dans le Plan de pandémie. Ces informations figurent sur le site Internet de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV).
Cadre juridique et international
À l’échelle internationale, l’Organisation mondiale de la santé peut, en vertu de son Règlement sanitaire international (RSI) de 2005, publier des recommandations temporaires ou permanentes concernant des mesures sanitaires relatives aux personnes, aux bagages, aux cargaisons, aux conteneurs, aux moyens de transport, aux marchandises ou aux colis postaux afin d’endiguer ou de ralentir la propagation internationale d’agents pathogènes. En vertu du RSI (2005), les États doivent désigner des aéroports tenus d’acquérir et de maintenir certaines capacités permettant de répondre rapidement à une urgence de santé publique. Le 16 avril 2013, le Conseil fédéral a désigné à cet effet les aéroports de Genève et de Zurich comme points d’entrée devant avoir les principales capacités requises à l’annexe 1B du RSI (2005).
L’adoption de mesures sanitaires ou de restrictions d’entrée ou de sortie du pays qui limitent la libre circulation des personnes doit se faire dans le respect des engagements découlant de l’Accord de Schengen et de l’accord avec l’UE sur la libre circulation des personnes. Dans tous les cas, ces mesures doivent être conçues de manière à tenir compte de la liberté de voyager et de la mobilité des frontaliers et des habitants qui ont des liens personnels, familiaux ou professionnels particuliers dans une région frontalière. En font notamment partie les personnes travaillant dans la santé.
En vertu d’un principe général de droit international, l’État exerce sa souveraineté sur toutes les personnes qui se trouvent sur son territoire, ce qui inclut toutes les personnes de nationalité étrangère, y compris celles qui bénéficient de privilèges ou d’immunités. Les mesures mises en place en Suisse s’appliquent donc aussi aux personnes bénéficiant d’un statut privilégié (sauf exceptions décidées au cas par cas), et ce statut ne peut pas y faire obstacle. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) en informe de façon circonstanciée les représentations diplomatiques et consulaires ainsi que les organisations internationales.
À l’échelle nationale, l’édiction de mesures touchant le transport international de voyageurs repose sur l’art. 41 de la loi sur les épidémies (LEp), lequel a servi de base notamment à l’adoption de l’ordonnance COVID-19 transport international de voyageurs.
Compétences
En Suisse, les interventions aux frontières et le contrôle des franchissements de frontière durant une pandémie relèvent de la compétence de plusieurs autorités.
- Le Conseil fédéral peut, en vertu de la loi sur les épidémies (LEp), adopter des mesures visant le transport international de personnes, telles que des restrictions d’entrée ou de sortie du pays.
- L’OFSP prend des mesures telles que les obligations de dépistage ou de quarantaine et formule des recommandations et des instructions au sujet des dispositions relatives à l’entrée sur le territoire national.
- L’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) contrôle le respect des dispositions relatives à l’entrée dans le pays par les frontières nationales, les aéroports et les gares, et applique les mesures décidées par le Conseil fédéral ou par l’OFSP.
- Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) applique la politique de migration et d’entrée en Suisse en place lors d’une pandémie en veillant à prendre en compte tant la politique de la santé que la politique migratoire.
- Les cantons sont chargés du traçage des contacts et de l’application des obligations de quarantaine ; ils contrôlent l’application des mesures relevant de leur domaine de compétences.
- Les compagnies aériennes, les entreprises ferroviaires et les autocaristes contrôlent les documents de voyage et les certificats de test lors de voyages internationaux et appliquent les mesures de protection, telles que le port du masque obligatoire ou les restrictions de capacité.
La collaboration entre ces parties prenantes joue un rôle déterminant pour préparer et gérer une pandémie. Les échanges réguliers avec les aéroports et les autorités compétentes (voir Réseau d’aéroports) constituent d’importantes plateformes susceptibles d’être davantage mises à profit lors de futures crises sanitaires.
Franchissement de frontière
Un franchissement de la frontière suisse peut se faire de plusieurs façons :
- en trafic motorisé (p. ex. voiture ou bus), par la route, en passant par un poste-frontière ;
- en train, par liaison ferroviaire internationale (p. ex. TGV, ICE, EC) ;
- par service de ferry international, p. ex. sur le lac de Constance (Allemagne-Suisse et Autriche-Suisse), le lac Léman (France-Suisse) et le lac Majeur (Italie-Suisse) ;
- à pied ou à vélo, par de petits postes-frontières ou hors de postes-frontières ;
- par voie aérienne, via des aéroports internationaux tels que Zurich (ZRH), Genève (GVA) ou Bâle (BSL).
L’entrée en Suisse par voie aérienne revêtant une importance particulière tant sous l’angle épidémiologique que sous l’angle du droit international (en raison des points d’entrée définis dans le RSI de 2005), les responsabilités et mesures en la matière font l’objet d’une présentation détaillée ci-après ainsi que dans les listes de contrôle.
En cas de pandémie, les exploitants de moyens de transport dans le trafic ferroviaire et le trafic autocariste international doivent se doter de plans de protection tenant compte des dispositions de la Confédération et des cantons et les appliquer. Ils sont tenus de garantir au mieux la sécurité des passagers en prenant des mesures de protection telles que le port du masque obligatoire, la désinfection régulière et la limitation des capacités. Ils peuvent en outre contribuer à réduire les mouvements transfrontaliers dans les transports en commun en modifiant leurs horaires.
Pendant une pandémie, le Conseil fédéral a la possibilité d’adopter des réglementations ad hoc pour les frontaliers et les transports publics. Cette compétence lui permet de contrôler la propagation de l’agent pathogène tout en préservant autant que possible le transport transfrontière nécessaire à la vie en société et au fonctionnement de l’économie. De telles réglementations temporaires peuvent aller de l’adaptation de mesures dans le transport international de personnes aux conventions dans le domaine de la fiscalité ou des assurances sociales, par exemple pour atténuer les conséquences de l’augmentation du télétravail pour les frontaliers. Elles devraient évoluer en fonction de la situation épidémiologique, afin de protéger la santé et de garantir la mobilité.
Trafic aérien international et réseau d’aéroports
Avec le médecin de frontière et les responsables de la sécurité des aéroports concernés, la Confédération est chargée des mesures concernant le trafic aérien international. L’OFSP gère un réseau d’aéroports conformément aux dispositions de la LEp. En font partie les trois aéroports qui exploitent des liaisons intercontinentales (Bâle-Mulhouse, Genève-Cointrin et Zurich-Kloten) ainsi que les aéroports ayant des liaisons européennes (Berne-Belp, Sion, Saint-Gall-Altenrhein et Lugano-Agno). L’aéroport de Bâle-Mulhouse est un cas particulier, puisqu’il se trouve sur le territoire français. Il est par conséquent soumis aux lois françaises, sauf en matière de douanes, pour lesquelles il a un statut binational. Les mesures sanitaires qui pourraient y être prises sont du ressort des autorités françaises, représentées pour ce faire par l’Agence régionale de santé (ARS) Grand Est.
Pour assurer la mise en œuvre de ces dispositions légales, les aéroports ont adopté, dans le cadre du Réseau d’aéroports, des principes directeurs relatifs à l’élaboration et à l’actualisation des plans d’urgence dans le domaine des maladies infectieuses. Ils adaptent par conséquent régulièrement leurs plans d’urgence aux dispositions légales.
L’OFSP est chargé de mettre à disposition toutes les informations relatives aux mesures à prendre dans les aéroports. La coordination de la diffusion des documents en question se fait au sein du Réseau d’aéroports. Les différentes autorités présentes dans les aéroports se chargent de la mise en œuvre des mesures.
Les détails relatifs à la préparation et à la mise en œuvre des mesures sont décrits dans le plan d’urgence de chaque aéroport et dépendent de la situation épidémiologique. Les mesures comprennent l’information aux passagers, le traçage des contacts sur les vols, les contrôles médicaux à l’entrée ou à la sortie (entry and exit screening) et, sous certaines conditions, le déroutage de l’avion. Elles font l’objet d’une description plus détaillée ci-après. La Confédération assume le coût des mesures décidées par ses organes dans le domaine du transport international de personnes (art. 74, al. 1, LEp).
Information aux passagers
Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour informer les passagers des dispositions internationales ou nationales et les inciter à prendre certaines précautions et à respecter des règles de conduite.
- Écrans : le recours à des écrans pour informer les passagers présente les avantages de la souplesse (mise à jour régulière possible), de la rapidité (mise en place sous un à deux jours) et de la simplicité logistique (directement sur place). Cette solution, applicable également dans la zone de réception des bagages, constitue donc un très bon moyen de diffuser des recommandations et des informations qui ne cessent d’évoluer au cours d’une pandémie.
- Affiches : des informations générales sur la pandémie peuvent être diffusées au moyen d’affiches placées à des endroits stratégiques de l’aéroport.
- Dépliants : les aéroports peuvent distribuer des dépliants en différentes langues – soit de manière passive (sur des présentoirs) soit de manière active – pour diffuser des informations et des recommandations générales. La distribution active se fait à la porte d’embarquement par des membres d’équipage, ou le cas échéant, à l’entrée sur le territoire par la police cantonale zurichoise (à l’aéroport de Zurich) et par le personnel de l’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF, à l’aéroport de Genève et dans les aéroports régionaux).
- Communication par le personnel de cabine : le personnel de cabine distribue aux passagers entrant en Suisse les informations écrites préparées par l’OFSP et les diffuse aussi lors de ses annonces. Ces informations peuvent concerner les mesures prises à l’aéroport (fiches de contact, questionnaires de santé, etc.) ou les mesures générales à prendre pour se protéger de l’infection.
Traçage des contacts
Le traçage des contacts des passagers d’aéronef sert à identifier les contacts qui se sont produits avec une personne infectée durant un vol, afin que les autorités puissent en informer rapidement les passagers concernés et, le cas échéant, ordonner des quarantaines ou des tests. Le Point focal national RSI de l’OFSP assure l’échange d’informations avec les autorités des autres pays. Le traçage des contacts est décrit dans Gestion des cas et des contacts.
Plusieurs moyens peuvent être utilisés pour tracer les contacts qui se sont produits lors de vols.
- Fiches de contact : les fiches de contact permettent de retrouver spécifiquement les passagers qui, pendant un vol, ont été en contact avec des personnes infectées par un agent pathogène (ou présentant une suspicion d’infection) ou qui arrivent en Suisse à bord d’un vol direct provenant d’une région ou d’un pays touché par une pandémie.
- Formulaires d’entrée numériques (Digital Passenger Locator Forms – dPLF ou ePLF) : le volume de données de contact augmentant rapidement durant une pandémie, il n’est plus possible de traiter les informations figurant sur les fiches de contact. Dans un tel cas, les autorités fournissent aux passagers une application qui leur permet de saisir leurs données sous forme numérique lors de leur entrée en Suisse et de les transmettre à l’OFSP, qui les transfère aux cantons pour traçage des contacts. Les formulaires d’entrée numériques facilitent le traitement et la transmission automatiques des données, évitent les problèmes de lisibilité rencontrés avec les formulaires remplis à la main et permettent de suivre les chaînes de transmission de manière rapide et efficiente. En Suisse, l’application SwissPLF, conçue durant la pandémie de COVID-19, a fonctionné de janvier 2021 à février 2022. Il s’agit désormais d’appliquer des normes et applications harmonisées, afin d’améliorer la préparation aux crises internationales. Il n’existe pas pour l’heure d’applications ePLF internationales, mais l’OMS, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) et l’UE sont en train d’en concevoir.
- Listes de passagers : lorsqu’une infection est diagnostiquée dans les jours suivant un vol chez une personne qui était potentiellement déjà contagieuse au moment de prendre l’avion, la liste des passagers permet d’identifier les personnes contacts. Les principes du traçage des contacts dans les transports aériens reposent sur des directives du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC) relatives à l’évaluation du risque de transmission de maladies dans les avions (Risk assessment guidelines for diseases transmitted on aircraft, RAGIDA).
Dépistage
Le dépistage lors de l’entrée dans le pays ou de la sortie permet d’isoler les passagers potentiellement contagieux et de traiter rapidement les passagers malades. L’OFSP, à qui il revient de décider de la mise en place des dépistages, prend en compte pour ce faire les recommandations de l’OMS, de l’ECDC et du Comité de sécurité sanitaire (CSS) ainsi que les mesures adoptées par les pays membres de l’UE. Ces recommandations sont formulées en fonction des caractéristiques biologiques et épidémiologiques de l’agent pathogène ainsi que de la situation internationale.
Plusieurs types de dépistages peuvent être appliqués.
- Questionnaires de santé : les passagers remplissent avant, pendant ou après leur vol un questionnaire de santé sur les maladies infectieuses. Selon les indications fournies, ce questionnaire peut donner lieu à un contrôle médical non invasif (dépistage) effectué par des professionnels de la santé.
- Dépistage à l’entrée : les passagers entrant en Suisse sont soumis à un dépistage. Il peut s’agir d’un examen médical non invasif, du contrôle d’un document de santé (p. ex. certificat de vaccination) ou de résultats de laboratoire, etc.
- Dépistage à la sortie : les passagers quittant la Suisse sont soumis à un dépistage. Il peut s’agir d’un examen médical non invasif, du contrôle d’un document de santé ou de résultats de laboratoire, etc. Pour recenser efficacement les passagers quittant la Suisse, ce dépistage doit être organisé dans la zone précédant le contrôle des cartes d’embarquement.
Plusieurs études ont montré le peu d’efficacité des contrôles médicaux en aéroports. En outre, un dépistage à la sortie du pays de départ de l’épidémie est plus efficace et moins coûteux que des contrôles médicaux à l’entrée des pays de destination. Cependant, si cette mesure n’est pas encore en place dans le pays de départ concerné ou si elle est jugée déficiente, les autorités peuvent instaurer un contrôle médical à l’entrée en Suisse.
En cas de pandémie due à un virus respiratoire, on estime que le dépistage est peu susceptible d’enrayer la propagation de la pandémie et qu’il peut, au mieux, la ralentir légèrement. Cette mesure a cependant l’avantage de rassurer la population, d’informer les passagers et de les inciter à adopter un comportement adéquat.
Déroutage d’un avion
Il n’existe aucune base légale permettant de dérouter un avion uniquement pour des raisons épidémiologiques. Il revient au pilote de décider de l’endroit où l’avion doit atterrir après avoir pris connaissance des recommandations faites par le médecin de frontière de l’aéroport concerné.